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LETTRES DE PRISON

1"Le premier séjour à la Santé reste une plongée dans l'abjection. D'abord un monde d'avant l'hygiène : le surpeuplement, la crasse abominable, les poux, les paillasses immondes, les chiottes au milieu de la cellule. La déshumanisation par la saleté. Les affronts répétés des gaffes, leur mépris puant qui vous contraignait à défendre votre dignité de "politique" jusque dans les petits riens... C'était une initiation comme une autre. Elle m'a rempli rétrospectivement de honte pour le système français lorsque, après ma seconde arrestation, j'ai été enfermé dans le quartier bas, la prison nazie. D'abord, la propreté y était absolue et la nourriture de base non seulement plus abondante, mais surtout beaucoup plus correcte que l'ordinaire français, qu'on n'aurait pas donné à son chien."

Pierre Daix, Tout mon temps, Fayard 2001.

2"Grossièrement tondu à zéro, vêtu d'un chemise qui tenait droit toute seule, d'un caleçon de même type et d'un costume en droguet brun, matricule 4856, j'ai débarqué dans la salle où il fallait prendre ses sabots." (op.cit.)

3"Je devais à Clairvaux d'avoir appris à trembler : rien n'est plus froid qu'un abbaye cistercienne." (op.cit.) "Dix-huit mois plus tôt, transféré de Fresnes à Clairvaux, ferré aux pieds et aux mains avec un repris de justice habitué à ce genre de torture, dans le cagibi pour une personne d'un panier à salade à gazogène, nous avions mis plus de vingt heures pour accomplir le trajet par une journée caniculaire de septembre. Mon compagnon m'avait averti de ne pas parler, pour économiser l'oxygène. Malgré ces précautions, nous étions sortis groggys. Deux de nos voisins ne s'étaient pas ranimés sous le seau d'eau glacé, à l'arrivée"... (op.cit.)