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LETTRES DE PRISON

Né en 1888, Victor Renelle est issu d'un milieu à la fois conservateur et artiste. Son père est auteur-compositeur, sa soeur violoniste; son frère et lui apprennent le solfège et l'harmonie, le violon et l'accordéon. Les idéaux de cette famille catholique de droite - on y lit Maurras et Drumont - sont à l'opposé des valeurs adoptées plus tard par Victor Renelle : on imagine aisément le bouleversement causé par l'affaire Dreyfus, et le lent cheminement intellectuel d'un jeune homme - de l'Action française à la CGT.

La guerre de 14, qu'il passe réquisitionné dans les usines chimiques participant à l'effort de guerre, le contact avec le monde ouvrier, les dangers quotidiens d'un "métier malsain" comme il l'écrit dans une de ses lettres, vont peu à peu le façonner : par son métier et son statut d'ingénieur, il se sent concerné et responsable envers la classe ouvrière. Aussi, quand au mileu des années 30 il fonde avec deux autres chimistes, R. Pascré et A. Bourrand, le syndicat CGT des ingénieurs des industries chimiques, il songe sans doute qu'il va dans le sens de l'histoire et prépare l'avenir pour les travailleurs de cette industrie. Mais il ne sait pas qu'il vient de faire le premier pas vers Chateaubriant et la carrière des fusillés. Deux autres événements vont précipiter le cours choses pour lui : le pacte germano-soviétique et le décret-loi Daladier du 26 septembre 1939. Le pacte de non agression signé par l'Allemagne et l'Union soviétique au mois d'août 1939 est lourd de conséquences pour le PCF, désormais suspect de trahison en temps de guerre, tout au moins de pacifisme. Le gouvernement Daladier peut alors déclarer illégaux le PCF et la CGT sans provoquer protestation ni opposition.

Et pendant les douze mois de la drôle de guerre, de la guerre et de l'exode, la police aura tout le temps de constituer des listes de noms et d'adresses de syndicalistes et de communistes. Cette même police, sur ordre de la nouvelle administration Pétain, procédera à une vague d'arrestations à l'automne 1940, plusieurs centaines sur la région parisienne, des milliers dans toute la France. Les hommes et les femmes arrêtés sont poursuivis pour infraction au décret de 26 septembre 1939. Un simple délit donc, sanctionné par quelques mois de prison - six mois pour Victor Renelle : on a trouvé des tracts chez lui, déposés par une amie. Certains sortiront de prison à l'issue de leur peine d'autres, considérés comme des meneurs dangereux, seront internés à Clairvaux, puis à Chateaubriant. Ce sont des médecins, des syndicalistes, des députés. Là encore, c'est un décret du 18 novembre 1939, suscité par le préfet de police Langeron et le général Hérig, qui est appliqué. On comprend mieux la colère et l'amertume de V. Renelle chaque fois qu'il évoque Daladier dans ses lettres.

Une dernière étape dans cette tragédie, une dernière croisée des chemins où l'on se dit que peut-être, à ce moment-là, tout peut encore changer pour lui : son usine le réclame, il suffit qu'il prête serment d'allégeance à Vichy pour être libre. Comme de nombreux autres à Chateaubriant il refusera ce déshonneur sans savoir que l'administration de Pétain (Pierre Pucheu, ministre de l'intérieur) allait très vite en tirer vengeance et dresser des listes d'otages pour les Allemands - avec les noms de ces hommes.  

1888 : naissance à Paris de Victor Renelle 1906 : ingénieur de l'Ecole de physique et chimie de Paris, 25è promotion
1914-1918 : réquisitionné dans les usines chimiques de la vallée du Rhône, où il rencontre Henriette
1919 : naissance de sa fille Suzanne
1920-1940 : travaille pour Rhône-Poulenc en France et en Italie. Participe à la découverte de l'aspirine. Après une période de chômage pendant la grande crise, il est engagé par les usines Duco, à Stains
1935 : création du Syndicat national des ingénieurs et chefs de services des industries chimiques- CGT
5 octobre 1940 - 22 octobre 1941 : pendant l'année où V. Renelle est emprisonné, il écrira une centaine de lettres à sa femme et à sa fille, presque toutes conservées. Quelques extraits en sont présentés ici.